DÜN

ÉROS

(Soleil Zeuhl 33 // CD) -COMMANDER-

(Soleil Zeuhl 34 // vinyle) épuisé

Extraits mp3

L’Épice
Bitonio

En 1976, dans l’Ouest de la France à NANTES, se forme le groupe VÉGÉTALINE BOUFIOL autour du guitariste François TEILLARD. Outre ce dernier, la formation comprenait Laurent BERTAUD à la batterie, Pascal VANDENBULCKE à la flûte, Jacques BRETONNIÈRE au piano et Michel BLANCART à la basse. Pascal poursuivait en parallèle ses études de musique au conservatoire.

En 1978, le groupe change de nom et devient KAN-DAAR. La musique est alors constituée, outre les premières compositions originales, de reprises de MAHAVISHNU ORCHESTRA. Les influences de KAN-DAAR s’appelaient ZAPPA, MAHAVISHNU bien sur, et surtout MAGMA qui était le groupe phare, celui qui cristallisait les délires du groupe. Laurent était un fan de HENRY COW et rapidement il fit partager sa passion aux autres membres du groupe. Au sein de KAN-DAAR, Thierry TRANCHANT avait remplacé Michel à la basse tandis que Philippe PORTEJOIE (sax) était arrivé. Le groupe donna quelques concerts dans la région de NANTES, puis, Jean GEERAERTS remplaça F. TEILLARD à la guitare tandis que Bruno SABATHE prenait le piano en remplacement de Jacques.

Cette nouvelle formation décida de changer à nouveau de nom, pour s’appeler DUNE, nom qui évoluera très vite pour devenir définitivement DÜN. Jean et Pascal étaient alors immergés dans l’univers du roman de Frank HERBERT, lequel fournira également les titres des compositions « ARRAKIS » et « L’ÉPICE », morceaux qui ont été composés dès l’époque de KAN-DAAR. Cette formation stabilisée donnera environ 40 concerts, tous dans la région de NANTES, entre 1978 et 1981. La popularité du groupe était cantonnée au plan régional et l’affluence des concerts, généralement organisés par le groupe lui-même, était très variable : de 5 à 300 personnes. DÜN assura la première partie de MAGMA à DOUARNENEZ avant de figurer à l’affiche du festival de CARQUEFOU en 1979, aux côtés des groupes rock TÉLÉPHONE et LITTLE BOB STORY ainsi que de groupes plus proches de leur démarche musicale, tels ART ZOYD et ÉTRON FOU LELOUBLAN. Plus tard, le groupe restera en contact avec ÉTRON FOU et il fut envisagé un temps que DÜN rejoigne le collectif initié par HENRY COW à cette époque, ROCK IN OPPOSITION. Pour des raisons d’intendance négligente, cela ne se fit jamais.

En 1980, Philippe (sax) quitte le groupe tandis qu’Alain TERMOL intègre la formation aux percussions. Les concerts locaux continuèrent jusqu’à ce qu’en 1981 le groupe décide qu’il était temps d’enregistrer un album. Le studio SUNRISE de Étienne CONOD à KIRCHBERG en Suisse leur fut recommandé par UNIVERS ZÉRO qui y avaient enregistré « HÉRÉSIE » en 1979 et « CEUX DU DEHORS » en 1980. L’enregistrement fut totalement autofinancé par le groupe ainsi que le pressage de l’album, sans qu’ait été recherchée une éventuelle maison de disques. L’enregistrement se passa dans d’excellentes conditions et le disque « ÉROS », tiré à 1 000 exemplaires, fut disponible vers l’été 1981 où le groupe le vendit à la fin des concerts, sans chercher à avoir une distribution nationale, ni même régionale. Sur scène, Pascal jouait d’un instrument totalement inédit, le gruyérophone, qu’il définissait ainsi au public : « instrument à vent de la famille des trompes de chasse avec une embouchure de tuba et un pavillon carré dans lequel on introduit des petits morceaux de gruyère. Ce procédé rejoint celui de la cornemuse : quand le souffleur est fatigué les trous de gruyère éclatent et permettent ainsi de relayer le manque de souffle de l’interprète ».

En 1982, le personnel de DÜN change à nouveau, Alain TERMOL quitte la formation, de même que Thierry, ce dernier étant remplacé à la basse par Christian MELLIER. Christian DUPONT, saxophoniste, intègre le groupe. La couleur musicale devient différente, beaucoup plus proche du jazz que le groupe précédent, et consacre une large part à l’improvisation alors que précédemment la musique était très écrite. Cette formation durera environ une année et donnera quelques concerts avant de se séparer début 1983.

En 1984, Pascal VANDENBULCKE et Jean GEERAERTS montent NÉVROSE SPIRITUALS, un groupe au répertoire de jazz latino. Le groupe donnera quelques concerts avant de se séparer, Jean ayant décidé de partir aux USA pour perfectionner son jeu de guitare en suivant les cours de l’école de jazz de Boston, Berklee.

Au cours des années 80, Pascal continua à fréquenter les milieux jazz et enregistra plusieurs albums avec Jean Luc CHEVALIER (ex-MAGMA), Marc ELIARD et Popof CHEVALIER. Gilles MOINARD, le sonorisateur du groupe, rejoindra en 1983 ÉTRON FOU auprès duquel il officiera jusqu’aux derniers jours du groupe. En 1992, suite à une initiative locale, divers groupes régionaux (DÜN et les groupes rock TEQUILA et DANGER) se reforment le temps d’un concert à la MJC de REZE, près de NANTES. À cette occasion la formation du disque est reconstituée et le nom de DÜN utilisé pour la dernière fois.

À cette réédition CD, ont été ajoutées les premières démos des morceaux « ÉROS » et « ARRAKIS » enregistrées en 1978 par la formation qui s’appelait encore DUNE, avec P. PORTEJOIE au sax, instrument absent de la formation qui enregistrera à KIRCHBERG. En bonus figurent également une démo de « BITONIO », enregistrées en 1979 au BOIS THARON, près de Nantes. Ces versions, respectivement antérieures de 3 et 2 ans à l’enregistrement de l’album, sont notablement différentes de celles qui seront éditées. En clôture du CD figure un morceau inédit « ACOUSTIC FREMEN ». Il était joué sur scène, au milieu des concerts, en guise d’interlude acoustique. L’enregistrement date de 1978 et est interprété par J. GEERAERTS.

Si le second morceau, « Arrakis », est une indication, nous avons une bonne idée d’où le groupe tire son nom. Le piano de ce titre presque Zeuhl se mêle à une flûte mélodique, le calme qui se termine dans une jam accélérée et menaçante d’une intensité digne d’un orateur et d’une grande complexité, un hommage approprié à un des mondes de fiction les plus connus. DÜN est composé d’un guitariste Jean GEERAERTS, un joueur de claviers Bruno SABATHE, un batteur Laurent BERTAUD, un maître flûtiste Pascal VANDENBULCKE (qui joua de la fusion dans un quartet avec Jean-Luc CHEVALIER), le bassiste Thierry TRANCHANT et le percussionniste Alain TERMOL.

C’est un sextet qui semble avoir plus en commun avec ses cousins canadiens-français que ses semblables. Un certain nombre de groupes pourrait être cités comme référence : SLOCHE, POLLEN et spécialement MANEIGE. Il y a de grandes similitudes avec le dernier groupe cité, dans « Libre service » spécialement, dans l’usage prédominant de la flûte et des percussions accordées. Ces ressemblances étant importantes, la complexité et la raideur générale du groupe les rapprochent de HAPPY THE MAN et ISLAND, et de plus, MANEIGE n’était pas aussi indirect, jazzy ni dissonant que DÜN. Une partie de la musique sur l’album est en tonalité mineure et mélangée avec des instruments à vent exotiques, par moment similaire à celle de JADE WARRIOR période ISLAND. Pour un album symphonique d’un tel calibre, mentionnons qu’il y a seulement quatre longs morceaux, c’est un album nécessitant une réédition depuis longtemps, et il mérite toutes les éloges que vous ayez jamais pu entendre. Un classique.

Mike Mc Latchey, EXPOSE MAGAZINE n° 17, mai 1999

Aujourd’hui, nous sommes tous redevables à Alain Lebon pour avoir réédité ce disque. Encore une fois, le directeur de l’étiquette française Soleil (qui change de nom à chaque parution : Soleil Zeuhl, Soleil de Gaïa, Soleil Atréides) fait preuve d’un pif monumental pour flairer la perle rare. Rappelons qu’il nous avait offert en décembre 1998 la réédition de l’unique disque d’Archaïa, mis en nomination dans la catégorie « meilleure réédition » lors des prix Délire Musical 1999. Dün est une formation française qui a roulé sa bosse entre 1976 et 1983. Ils ont enregistré un seul disque, Éros, paru à l’été en 1981 de façon indépendante et vendu seulement aux spectacles du groupe (pas de distribution). Sur ce disque, Dün était constitué de Laurent Bertaud (batterie), Jean Geeraerts (guitares électriques et acoustiques), Bruno Sabathe (piano et claviers), Alain Termol (percussions), Thierry Tranchant (basse) et Pascal Vandenbulcke (flûtes). La musique de Dün fait d’abord fortement penser au groupe québécois Maneige, autour de Ni vent ni nouvelle et Libre-service, surtout à cause de la proéminence de la flûte et du xylophone, ainsi qu’une certaine qualité primesautière dans l’écriture. Mais là s’arrête la ressemblance. Car Dün ne possède pas le positivisme tous azimuts de Maneige. À ce cadre ils ajoutent une froideur « rock de chambre » proche d’Art Zoyd et d’Univers Zéro. À ce tableau il faut encore ajouter un fort penchant vers l’atonalité et la rythmique complexe de groupes comme Henry Cow. D’ailleurs, les membres de Dün étaient en relation avec ceux d’Étron Fou Leloublan, représentants français du mouvement Rock In Opposition et il y eut des tractations pour intégrer Dün à ce mouvement (ce qui ne s’est jamais réalisé). Cette réédition présente d’abord les quatre pièces qui constituait l’album Éros, dont les titres font tous référence à la saga de Frank Herbert (Dune, si vous n’aviez pas encore remarqué), totalisant 37 minutes. On trouve ensuite quatre pièces bonis : trois enregistrements en spectacle de pièces d’Éros, versions antérieures à l’album de deux ou trois ans, et une pièce acoustique inédite. Les versions en spectacle sont différentes des originales, ce qui évite la redite. Éros a eu un impact très marginal sur le monde progressif et c’est très dommage. Grâce à l’étiquette Soleil, ce disque aura enfin la chance de rejoindre un public plus large. Dün possédait un son très original, pour ne pas dire unique. Une vraie découverte. Très fortement recommandé. ****

François COUTURE, DELIRE MUSICAL

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