PIENZA ETHNORKESTRA

Indiens d’Europe

(Soleil Zeuhl 14 co-produced by 12 prod. // CD)

épuisé

Formation :
- James Mac GAW (Magma, One Shot) : basse (oui, pas à la guitare, il joue de la basse également)
- Daniel JEAND’HEUR (One Shot) : drums, percussions
- Thierry BRUNEAU : vielle à roue électrique

Ce disque, enregistré en public pendant l’été 2005, est très « heavy », la vielle à roue électrique est traitée comme une guitare avec beaucoup de puissance et de distorsion. Le folk est juste une base pour une formidable jam entre trois exceptionnels musiciens qui poussent chacun les limites de leurs instruments vers des contrées inhabituelles : vielle à roue électrique avec distorsion, des rythmes explosifs et une grosse basse zeuhl qui part en solo presque constamment. Difficile à qualifier… explosive-zeuhl-folk ?


J. MC GAW (Magma, One Shot) à la guitare, D. JEAND’HEUR (One Shot) à la batterie et le fantastique T. BRUNEAU à la vielle à roue électrique. Enregistré live durant l’été 2005, la musique de cet album est intense, emmenée par une vielle électrique survoltée qui tient le rôle usuellement dévolu à la guitare. Le folk n’est qu’une base pour cette puissante jam (sur)vitaminée entre 3 musiciens exceptionnels : au programme une batterie explosive, une basse énorme (Zeuhllllllll…) et une vielle qui mêle puissance et distorsion hendrixienne. Le premier album de zeuhl-folk ?

Quand j’ai lu sur la pochette un trio basse, batterie, vielle à roue, je me suis dit : « Bon, on nous refait le coup de la vielle à roue… » Je l’avais trouvée trop discrète dans le CD de ZAAR (Cuneiform).
Bien sûr, le fait que la section rythmique soit assurée par le batteur (Daniel JEAND’HEUR) et le guitariste (James Mc GAW) de ONE SHOT, d’influence magmaïenne revendiquée (et pour cause, le guitariste joue dans MAGMA) aiguisait ma curiosité même si je me méfie un peu des rythmes dits kobaïens qui tournent en boucle sans faire avancer le voyage musical.
Bien sûr, j’ai un petit faible pour la vielle à roue, pour le son crissant, la rythmique naturelle et dansante que l’on retrouve dans la musique folk ou traditionnelle.
Et puis, j’ai lu la liste des morceaux : deux traditionnels bulgares et un hongrois. De quoi susciter mon intérêt pour l’objet, moi qui aime les chemins de traverses en musique comme en Europe.
J’ai demandé à mon disquaire favori d’écouter. Je n’ai pas mis 20 secondes à me décider : le premier morceau, une composition du vielliste (Thierry BRUNEAU) m’est rentré dedans ! Depuis, je l’écoute en boucle.

Pendant presque une heure, c’est un festival de gigues infernales. La vielle à roue vous aspire littéralement par les oreilles comme le violon du diable qui mène les danseurs jusqu’à leur mort (cf. MALICORNE, Le Tour de France d’Abélard Rousseau…). Mais ici, le violon se fait aussi, et quasi simultanément, guitare électrique. Avec ou sans ses pédales d’effets, la vielle à roue montre qu’elle peut se mesurer aux instruments contemporains sans rougir, qu’elle est capable d’emmener l’auditeur dans des contrées auditives proches du delirium.
Il y a dans ce disque une invention à chaque seconde. Le fait que la vielle à roue soit en « son continu » oblige les deux autres compères à tenir pour ne pas jouer les figurants ou être insipides. Sans frime, ils assurent !

La section rythmique contribue à asseoir les morceaux tout au long des sections écrites et des improvisations. Il y a une véritable cohérence des trois instrumentistes. Chacun sert la musique pour le plus grand plaisir de l’auditeur. J’aurais aimé être à ces concerts d’août 2005 à Lorient (au Festival Interceltique), où ce disque a été enregistré. Il n’y a pas de bavardages inutiles alors même que les morceaux peuvent durer un quart d’heure.
La vielle à roue respire parfois et laisse la basse et la batterie assurer la relève. Il arrive que les musiciens partent en vrille chacun dans son délire et, pourtant, ils retombent sur leurs pieds pour asséner l’air entêtant et dansant que l’on retient lorsque la sono est éteinte.
Un vrai pied !

NB : Un disque est paru en 2004, intitulé Pienza, réunissant Thierry BRUNEAU et Daniel JEAND’HEUR) sur 12 Production. Le groupe joue parfois sur scène à 4 avec un sax.

Frédéric VION, http://traversesmag.org/

Encore un OMNI (Objet Musical Non Identifié) ! Voilà en effet le terme pour qualifier Indiens d’Europe, le dernier album de Pienza Ethnorkestra, formation pour le moins atypique. En 2004, le vielleux Thierry Bruneau et le batteur Daniel Jeand’heur (One Shot, Snake Oil, etc.) enregistrent un disque singulier, en duo. Ce premier essai est diffusé sous le beau nom de Pienza (faut-il y voir une allusion à la petite ville italienne du même nom ?). Quelques mois plus tard, ce titre devient le nom d’un groupe. S’y adjoignent un étrange substantif, « Ethnorkestra » et un musicien supplémentaire, James McGaw. Ce dernier, qui officie d’ordinaire à la guitare (Magma, One Shot, etc.), tient ici la basse, et la surprise est heureuse (même si l’influence « zeuhl » se fait parfois sentir, comme sur « Gengis Khan/La steppe »).

Tout, dans ce disque, est à la fois obscur et d’une évidente clarté. La formule « Ethnorkestra », tout d’abord. Étrange à première vue, le terme se révèle plein de sens à l’écoute du disque, qui fait la part belle à un répertoire traditionnel d’Europe centrale (trois des cinq titres, les deux autres étant des compositions), entièrement revu et corrigé par des musiciens à l’approche à la fois rock, jazz, fusion, et tant d’autres choses encore. Le titre, ensuite, ce paradoxal Indiens d’Europe. Associant énergie purement tribale, répertoire européen et l’instrument roi des musiques folkloriques françaises, Pienza donne sans aucun doute tout son sens à ce titre. À moins qu’il ne s’agisse de l’autre Inde, la vraie, et non celle de l’erreur de Colomb ? Laissons planer le doute.

Tout au long de ces cinq titres, enregistrés live en 2005, on assiste à une explosion de rythmes et de couleurs. L’entrée en matière, « Ali lennti », plante le décor : la vielle à roue est survitaminée, la basse gronde et vocifère à souhait mais reste toujours d’une grande mobilité, et la batterie ne cesse de rebondir, maniant les polyrythmies avec une aisance confondante, filant toujours plus loin, toujours plus vite. L’équilibre du trio est incontestable : les trois instruments se poursuivent et s’entremêlent dans un mouvement constant, mais jamais l’un d’entre eux n’écrase les autres, et lorsque l’un des trois larrons prend le chorus, les deux autres veillent, assurant une rythmique évolutive et poussant le soliste dans ses derniers retranchements (« Comme des oiseaux »).

Le goût de l’extrême est manifeste, et la démarche sans compromission. Ces trois-là font manifestement la musique qu’ils aiment, et leur plaisir est palpable, dans l’énergie et l’ardeur mises au service de chaque note. La virtuosité est certaine, mais elle n’est jamais un argument, et les grandes envolées retombent, parfois miraculeusement, toujours sur leurs pieds, pour mieux rebondir vers autre chose. La vielle à roue assume, comme c’est souvent le cas dans ce type de formation, un rôle comparable à celui d’une guitare, entre rythmique et phrasés solistes, développant une gamme de sons allant du plus clair à une saturation grasse que ne renieraient pas certains groupes de métal.

Si l’ensemble peut paraître un peu bricolo au premier abord (pochette au travail graphique minimal, conditions de prise de son que l’on aurait sans doute rêvées meilleures), l’essentiel se trouve bel et bien dans la musique. Et à ce sujet, il devient difficile de trouver quoi que ce soit à redire. L’ensemble est d’une grande spontanéité, profondément énergique et d’une qualité instrumentale et musicale qui ne se dément jamais. De plus, Pienza démontre, à l’instar d’un Familha Artus ou dans une moindre mesure d’un Zaar, que la vielle à roue n’est pas seulement l’instrument désuet qui faisait danser nos arrières grand-mères dans les bals de campagne, mais qu’utilisée avec inventivité dans le rock et les musiques nouvelles, elle offre un panel de jeu et de sons qui mérite grandement d’être exploré plus avant !

Fanny LAYANI, progressia.net

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